Prix scientifique de la Société Suisse de Psychanalyse
Le Prix scientifique "Germaine Guex" est décerné à un analyste en formation ou membre associé de la SSPsa pour un travail psychanalytique écrit, un article ou un livre, au cours des trois dernières années précédant l’attribution de la récompense. Ce Prix a été créé en 1997 est peut être attribué tous les 3 ans et a déjà été décernée en 1997, 2000, 2003, 2012 et 2018.
Les travaux peuvent être soumis, à tout moment, directement aux membres de la Commission "Germaine Guex" .
Les gagnants jusqu'à aujourd'hui
La perle et le grain de sable - De la perception à la pensée
Avant-propos - Question(s) de modèle(s)
On sait que Freud s'est toujours réclamé -avec véhémence et avec une grandeur qui force l'admiration face à la montée de l'obscurantisme en Europe centrale dans le premier tiers du vingtième siècle- d'une vision scientifique du monde et de la psychanalyse et qu'il a défini la discipline qu'il avait fondée comme une branche de la science. L'affirmation la plus nette, la plus développée, de ce point de vue se trouve dans la 35ème Conférence intitulée de manière significative Sur une Weltanschauung. Après avoir défini la Weltanschauung, "notion spécifiquement allemande" comme "une construction intellectuelle qui, résout, de façon homogène, tous les problèmes de notre existence à partir d'une hypothèse qui commande le tout, où, par conséquent aucun problème ne reste ouvert, et où tout ce à quoi nous nous intéressons trouve sa place déterminée", il ajoute: (la psychanalyse) "en tant que science spécialisée, branche de la psychologie..., est absolument inapte à former une Weltanschauung propre, elle doit adopter celle de la science" (Freud, 1932, p. 211-212). Si l'on s'en tient donc à la lettre du texte, la 35 ème Conférence ne devrait compter que deux pages: la première et la dernière, où Freud réaffirme l'absence de Weltanschauung propre à la psychanalyse, puisque celle-ci n'est qu'une branche de la science. On ne sera évidemment pas surpris de constater, en examinant de plus près le plan de son essai, que les choses sont plus complexes. Freud considère les "rivaux" possible de sa discipline: l'art, la philosophie, la religion et les idéologies. Si les deux premiers n'ont droit qu'à une page chacun, la religion se taille, si l'on ose dire, la part du lion, avec plus de vingt pages consacrées à son examen critique, alors qu'une analyse pénétrante des idéologies, et plus particulièrement du marxisme, occupe les dix dernières pages. Ce découpage incite à la réflexion. Il est certes à envisager dans le contexte historique de cette période, marquée par la montée du nazisme. Mais il nous oblige aussi à nous questionner sur la place de l'ancrage scientifique dans la théorie freudienne.
Etats psychosomatiques, troubles de la pensée et conflictualités dépressives: la perpétuelle quête d’un sein psychosomatique
La variété des états psychosomatiques rencontrés dans la solitude d'une pratique psychanalytique ne peut qu'exposer à l'énigme de l'articulation psycho-somatique et à une tentative de représentation des divers processus de somatisations à l'œuvre en fonction des structures de personnalité qui les sous-tendent. La classique distinction opérée par Freud entre manifestations somatiques de la névrose actuelle et manifestations corporelles de la conversion hystérique demeure une précieuse table d'orientation tant dans le champnosographique que dans le domaine théorique.
Cette théorisation freudienne permet en effet d'englober dans une même nosographie les états psychosomatiques développés hors de la sphère symbolique - les affections physiques- et ceux développés dans le registre de la symbolisation - les conversions et les hypocondries.
En outre, deux courants de la théorisation psychosomatique psychanalytique contemporaine sont issus de cette distinction initiale de Freud : un courant de théories dites« conversionnelles » selon lesquelles tout symptôme corporel serait porteur d'un sens symbolique inconscient (pensons à Groddeck, Garma, Valabrega, ou Mc Dougall), et celui des théories mettant l'accent sur el rôle joué par une carenced el afonctionsymbolisante de l'appareilpsychique dans la mise en jeu de certaines affections somatiques. L'oeuvre de l'école psychosomatique de Paris se situe là.
L'objet de cet article se situe dans une troisième perspective visant à marier les apports de la recherche kleinienne et post-kleinienne sur les états-limite à certaines observations fondamentales de l'école psychosomatique de Paris, de sorte à entrelacer états psychosomatiques et troubles de la pensée avec différents niveaux d'intégration de la position dépressive. Un modèle de la « conversion déficitaire » en émerge.
La beauté de l’être cher
Dans notre pratique clinique, nous rencontrons la beauté lorsqu'elle est l'objet de la pensée, des rêves et des rêveries de nos patients ainsi que de nos rêveries contre- transférentielles. Beauté de l'être aimé ou beauté de l'autre, rival ou rivale; beauté que l'on aimerait avoir, beauté que l'on croit avoir. L'éprouvé de beauté peut être instantané. Tchoulkatourine, le narrateur du Journal d'un hommede trop, prétend qu'il ne lui avait pas fallu plus d'une minute pour remarquer que le Prince N. était «joli garçon, adroit et bien tourné» ? ej jurerais plutôt qu'il ne lui a pas fallu plus d'un quart de seconde. A l'instant même où il entend cette «voix inconnue et sonore qui retentissait dans le salon» et que, la porte s'étant ouverte, il aperçoit pour la première fois le Prince, Tchoulkatourine est jaloux. Il s'arrête alors devant un miroir pour y contempler son propre visage: «mon attention s'était péniblement concentrée sur mon nez, dont les contours mous et incertains ne me plaisaient guère». D'un instant à l'autre, li n'est plus el même homme et li retrouve «toutes les anciennes manies» dont il s'était miraculeusement débarrassé, depuis trois semaines qu'il était amoureux de Lise et croyait en être aimé en retour. La littérature est pétrie de ces situations où la beauté - la sienne, celle de l'autre, aimé ou haï - suscite bonheur ou souffrance, ou les deux à la fois. Je vais tenter de rendre compte de quelques séquencestirées del'analyse d'une jeune femme, Léontine, pour suivre à la trace cet l'émoi éprouvé devant la beauté de l'être cher - qui est peut-être une composante nécessaire de l'amour - et tenter de montrer quelques uns de ses différents destins possibles. Je tenterai ensuite une incursion du côté de la beauté des hommes en partant des première séances avec un patient, Jean-Baptiste. Comme l'écoute de nos patients ne peut se passer de la référence aux figures culturelles prégnantes tout autant que de l'échange inter-analytique sous toutes ses formes, j'aimerais arriver à construire un récit qui, à al fois, transpose mon écoute de al parole de Léontine, s'appuie, pour en combler les interstices, sur la réflexion menée par P. Fédida sur l'homosexualité mère-fille, évoque brièvement l'histoire clinique récente avec Jean-Baptiste et, parce qu'elle est si récente, s'appuie sur deux figures marquantes de la littérature qui figureront mes associations contre-tranterentielles naissantes - Jean-Baptiste Grenouille de P. Süskind et Achille de Kleist.
Du soma à la psyché: Une place pour la psychanalyse dans les neurosciences
Notre question pourrait être la suivante : comment la construction psychanalytique freudienne s’est-elle déployée depuis une première conception neuronale jusqu’à une topique de systèmes, en passant par un système de représentations. Dans l’architecture de la première topique, Freud reprend la construction neuronale de l’Esquisse pour formuler une théorie métapsychologique. L’Esquisse, carte mère de l’épistémologie freudienne, jetait les bases somatiques du psychisme, en articulant des systèmes neuronaux formés par des frayages, par des investissements, par des surinvestissements, pour rendre compte de la perception, de la mémoire, de la conscience et de la cognition, en s’appuyant sur les excitations, sur les représentations de ces excitations et sur une pensée observante dirigée vers ces représentations. Dans un travail laborieux, dont la lecture est rendue difficile par un texte qui n’est resté qu’à l’état d’esquisse, il met cependant en place, méticuleusement, les bases biologiques de notre appareil nerveux.
La psychanalyse de l’enfant à l’épreuve de la guerre
"Ce livre n’est pas un ouvrage relevant d’une clinique psychanalytique habituelle, il est issu d’un travail de recherche clinique pour une thèse de doctorat conduite par une psychanalyste que j’ai eu le plaisir et le privilège de diriger – d’accompagner serait d’ailleurs plus juste car je n’ai jamais eu le sentiment de la « diriger ».
C’est un livre qui nous emmène au Liban, qui nous confronte aux situations cliniques en lien avec des temps de guerre, qui nous fait pénétrer dans des espaces peu fréquentés habituellement par des cliniciens et particulièrement par des psychanalystes. Il faut le lire presque comme on lit un roman, se laisser porter par l’aventure clinique qu’il relate, accepter son exotisme de dispositif et de contexte, sa manière de tenter de ressaisir des traumas individuels et collectifs, ceux des situations de guerre, ceux qui ont affecté un pays tout entier meurtri par la guerre, voire les guerres internes. Mais il faut aussi accepter de voir la guerre avec les yeux, la psyché d’un enfant, de s’interroger sur l’impact de la psyché des parents, de leurs dénis, de leurs propres traumatismes, sur celle de l’enfant ; et sur l’impact de cette interaction sur la clinicienne, elle aussi immergée personnellement dans cette guerre, dans ces déchirements, qui ont coloré l’histoire avec laquelle elle a dû se construire.
C’est donc un « témoignage » clinique d’un grand intérêt pour tous ceux qui rencontrent dans leur pratique des situations similaires et, si son ambition fondamentale est de rendre compte d’une expérience singulière et de la faire partager, il soulève néanmoins au passage de nombreuses problématiques présentes dans la pratique clinique en butte à des cliniques des limites voire de l’extrême…"